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Les Prescriptions Littéraires de Ludie
18 janvier 2019

Le Chant du Cosmos, de Roland C. Wagner

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« Tous sont des hommes. Des êtres fragiles, d'une infinie complexité, à qui la nature a donné un néocortex mais pas le mode d'emploi de ce nouvel accessoire.
Alors ils tâtonnent. Ils bafouillent. Ils commettent des erreurs. Mais ils cherchent, et c'est cela qui compte. »

Fiche Technique.

Titre original : //
Origine : Française
Editions françaises : L'Atalante
Date de publication : 1999
Genre : Roman Science-Fiction

Note : 3,5 / 5

Étiquettes : Science-Fiction ;space-opéra ; conspiration ; thriller

Résumons, mes bons !

Imaginez-vous dans un univers où l'Humanité a gagné en sagesse : la quasi-totalité de la population humaine qui peuple la galaxie est devenue pacifiste, excluant ainsi les actes violents et laissant au pire des cas des crimes sans grandes gravités.

Notre histoire débute donc sur la planète Diasphine, où Yeff, un étudiant linguiste originaire d'Océan, est happé par une « muse » professionnelle, Clyne, l'informant qu'il a de grandes dispositions pour être un « Penseur ». Nom donné aux participants du « Jeu de la Pensée ». Cette activité qui fait l'objet de tournois interstellaires est un jeu psychique où s'affrontent des adversaires dans un monde télépathique jusqu'à qu'il n'en reste plus qu'un. Rien de méchant, bien entendu, mais qui n'est pas sans risque depuis l’émergence d'un nouveau style de jeu qui se veut plus agressif et peut laisser derrière lui des Penseurs végétatifs... Si ce divertissement n'est pas l'activité la plus rependue et pratiquée, elle reste tout de même un élément majeur de l'intrigue puisqu'en suivant Yeff, Clyne et l'adorable Maedre, le lecteur prendra peu à peu conscience qu'il dissimule des enjeux beaucoup plus importants qu'il ne laisse paraître.

 Roland C. Wagner nous propose dans cette œuvre un space-opéra moderne où le sérieux d'une enquête policière est côtoyé par des petites touches burlesques et une philosophie proche de l'anticipation.

 

L'avis personnel…

Le Chant du Cosmos est jolie fresque sur fond de space-opera. On y découvre un univers intéressant qui s'étale sur plusieurs décennies où l'intrigue alterne entre un récit de découverte et une enquête policière. Le tout articulé par une écriture fluide et accessible.
Le concept du « Jeu » est attrayant bien que pas assez clair selon moi. Après cela n'enlève en rien la compréhension de l'idée ou de l'histoire, car après tout, il est un enjeu majeur dans l'intrigue. Ne pas comprendre de quoi il en retourne aurait pu être un peu handicapant ! Cependant Wagner maîtrise son sujet et donne les informations suffisantes pour permettre aux lecteurs de suivre et apprécier l'univers dans lequel il nous embarque. Un univers riche qui nous permet de voyager sur d'autres planètes sans pour autant nous laisser désorienter dans cette galaxie étendue colonisée par la race humaine. Il n'en fait ni trop, ni pas assez. Moi qui suis une non-initiée au space-opéra, je suis conquise et cela me donne envie de retenter l'expérience prochainement.
Toutefois, je me permettrai de souligner quelques petits défauts arpentant le roman et qui atténuent un peu l'enthousiasme lorsqu'on referme le roman.
Tout d'abord, je pointerai du doigt l'absence d'approfondissement des personnages. On a du mal à s'attacher à eux, voire à éprouver de l'empathie à l'exception près du Maedre qui dénote assez de tous ses compères. Le Jeu est également abstrait et peu développé à mon goût. S'étendre un peu plus sur la Pensée, les règles du monde dans lequel les Penseurs se projettent ou encore vraiment décrire plus en profondeur le Jeu n'auraient pas été de refus. Puis le récit est assez court malgré le gros potentiel qu'offre C. Wagner à son roman. On aurait aimé aller plus loin, en découvrir plus. Le lecteur se trouve face à un monde finalement peu exploité par rapport à tout ce qu'il a pu lire. Et c'est bien dommage...
Et pour finir, j'ai toujours un peu de mal avec l'idée du bien et du mal bien séparée de chaque côté. Il y a des méchants et des gentils mais pas d'entre-deux. Pourtant dans un univers aussi étendu et avec tant de possibilité je m'attendais à moins de binarité...
J'ai personnellement bien apprécié la lecture de ce roman, mais sans pour autant m'en extasier. le manque d'attachement aux personnages est vraiment ce qui m'a fait le plus défaut et m'a empêché de savourer pleinement cette belle aventure.

 

Des atouts ?

Tout d'abord, je pointerai du doigt le cadre spatio-temporel. Il est vraiment plaisant de pouvoir visiter plusieurs planètes et voyager sur plusieurs décennies. Non seulement d'apporter du dynamisme, cela permet aussi d'évoluer sur plusieurs niveaux et de découvrir de nouveaux horizons sans se presser en profitant des pauses entre les parties. Sans oublier que le contexte, la situation ainsi que la temporalité favorisent la rencontre avec les divers personnages du récit sans passer par une lourdeur narrative de présentation.
Rajoutons aussi que les personnages sont hauts en couleurs et relativement différents les uns des autres, avec un physique et un caractère propres. En écho d'ailleurs avec les traits spécifiques des diverses planètes de la galaxie parcourues par les protagonistes principaux qui sont elles-mêmes typés par leur faune et organisation sociétale.

A côté, l'histoire mélange à la fois une certaine science vulgarisée et accessible à la compréhension avec une poésie inattendue mais qui correspond tout à fait à l'univers qu'elle couve. De ce fait la lecture est fluide avec un style agréable. Le space-opéra prend une forme attractive, intéressante et humaniste. Le mélange des genres renforce cette idée et rajoute à l’œuvre une grande partie de son originalité. Ainsi la science-fiction est ponctuée de petites touches de fantaisie, de psychisme et d'un côté thriller. Vous l'aurez compris, la lecture est loin d'être plate et linéaire.

 

Des défauts ?

 Les points négatifs que je pourrai émettre, et cela d'un point de vue tout à fait personnel, concerneraient surtout la notion d'absence.

J'aurais aimé en savoir plus sur ces planètes et civilisations. On en apprend le minimum mais le temps passé sur les astres en question aurait pu nous permettre de nous étendre un peu plus sur leur cosmologie. Du coup, on a une impression de superficialité qui nous laisse un petit goût amer d'insatisfaction. Il en va de même pour l'approfondissement des personnages et du Jeu de la Pensée. Les premiers sont bien construits mais ne sont pas assez creusés et le lecteur peut avoir du mal à s'attacher à eux. Quant au Jeu, les règles et la pratique sont survolées, ne laissant finalement qu'une théorie qui émoustille mais ne comble pas les attentes.

Cependant, ce qui me semble le plus frustrant dans le Chant du Cosmos est surtout sa binarité et son manichéisme. Les personnages principaux sont gentils, héroïques, empathiques, voire même végétariens. Alors que les ennemis sont méchants, carnivores, brutaux, cupides et avides d'une agressivité gratuite. Aucun protagoniste n'est dans l'entre-deux et les motivations reprennent souvent un cliché un peu trop utilisé dans tous les domaines fictionnels...

 

Spoilons !

Passez votre chemin si vous n'avez pas lu le roman ! Vous pouvez aller directement au point suivant si cela vous intéresse.

Ce qui est intéressant au fil de la lecture, c'est que si au premier abord on a l'impression de parcourir un univers utopique, le lecteur se rend compte peu à peu que sont cachées plus loin des forces obscures prêtes à mettre à mal l'harmonie enfin atteinte. Cela donne une touche de réalité qui côtoie l'anticipation qu'on aime bien retrouver dans la science-fiction. Ainsi la planète ironiquement nommée Eden et accompagnée des Docteurs de la Nuit s'avèrent dans leur isolement être la mauvaise vibration qui viendra fausser le chant harmonieux du cosmos. La bonne vibration étant représentée par Yeff, il sera alors guidé par le Maedre afin de restaurer l'équilibre et éviter les fausses notes. Le dénouement étant réellement posé à la toute fin du roman avec la révélation cachée et symbolique de l'attachante créature ( « Les choses ont été plus difficiles qu'il ne l'escomptait, à cause de ce fâcheux contretemps sur Visage, mais il a fini par circonscrire le péril. [...]Les maedres ont horreurs des fausses notes » - chapitre de fin ). Si le petit animal est aussi mis en avant sur la couverture ce n'est pas sans raison après tout. Il est là pour mettre fin aux objectifs destructeurs dans une galaxie qui se veut enfin harmonieuse. Enfin uniquement du point de vue d'une harmonie qui se veut agréable car s'il est question d'un équilibre d'ensemble on peut toutefois être en désaccord: seul subsiste le bien laissant le mal sur Eden dans un coin reculé, en autarcie et en grande minorité. D'où ma critique tantôt sur ce manichéisme qui englobe toute l’œuvre et dénature un peu cette idée d'un chant du cosmos harmonieux.

 

 

Allons un peu plus loin…

Lorsque l'on fait face à toutes ces planètes typées avec leur organisation sociale, politique et juridique, on saisit bien l'idée d'humanité qu'essaie de nous inoculer Wagner. Sa réflexion, voire peut-être même sa philosophie, est abordée d'une manière assez optimiste : criminalité en baisse, effacement des meurtres, des Loyales (équivalent de nos policiers) très intègres, une abolition de la peine de mort, des cryogénisations pour sanction, des planètes végétariennes, une symbiose avec la faune et la flore de sa planète, … Sans compter une colonisation de l'espace qui n'a en rien détruit les systèmes naturels et écologiques des planètes. Au contraire, il est même abordé une idée de création volontaire de biodiversité de certaines planètes désertiques. Le devenir de l'homme n'est donc pas en déclin et ça fait du bien d'y plonger a contrario des sciences-fictions négatives où souvent l'Humanité est perdue.

Dans la même veine, Wagner partage sa vision de la langue, de son évolution et son avenir possible. Sans doute que le statut d'étudiant en linguistique de Yeff n'y est pas un hasard. A travers lui, on peut justement découvrir un nouveau vocabulaire et une nouvelle sémantique lors de ses voyages sur les diverses planètes. Certains mots ressemblent à s'y méprendre aux nôtres mais avec des petits changements syntaxiques qui leur donnent des airs futuristes. Après tout, comme l'Homme, la Langue évolue.

Et qu'en est-il de ce chant du cosmos ? Comme énoncé de nombreuses fois plus haut, la galaxie qui nous est donnée d'explorer dans l’œuvre est avant tout un agencement interstellaire où l'ensemble est parcouru par des vibrations positives et négatives. Le musicien qui fait une démonstration dans la partie de Diasphine, tout au début du roman, l'illustre relativement bien et annonce déjà les premières notes. Le monde, l'univers est un Tout, une chanson musicale qui se composent de ses propres notes, ses propres accords, son propre rythme et ses propres dissonances. Elle est une harmonie spatiale qui vient régir l'équilibre de l'univers en tentant de garder éloigner les mauvaises vibrations. Ainsi et selon Roland C.Wagner, tout vibre dans l'univers.

 

Passages choisis.

Le plus difficile, songea-t-elle, c'est d'arriver à se comprendre. D'envoyer les bons signaux. De décoder correctement ceux que l'on reçoit.

Elle sourit en songeant que, quelques années plus tôt, le seul contact des doigts d'un homme l'aurait paralysée d'effroi.
« Tu ne toucheras pas ton prochain sans une bonne raison »
L'amour n'en est-il pas une ?

Mais le hasard n'existe pas, j'avais presque fini par l'oublier. Le hasard n'est que la simplification d'une vérité qui se situe hors de portée de la compréhension humaine.
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