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Les Prescriptions Littéraires de Ludie
9 octobre 2018

Je m'appelle Budo, de Matthews Dicks

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" C’est bizarre, un ami imaginaire. On ne peut pas tomber, ni être malade, ni étouffer, ni attraper une pneumonie. La seule chose qui peut nous tuer, c’est qu’on cesse de croire en vous. "

► Fiche technique.

Titre original : Memoirs of an Imaginary Friend.
Origine : Américaine.
Editions françaises : Flammarion
Date de publication : 2012 (2013 la VF)
Genre : Jeunesse

Note : 4,5 / 5

Étiquettes :  roman, littérature jeunesse, fantastique, thriller, autisme.

► Résumons, mes bons !

" Je m’appelle Budo. J’existe depuis cinq ans. Cinq ans, c’est très long pour quelqu’un comme moi. C’est Max qui m’a donné mon nom. Max est le seul être humain qui peut me voir. Les parents de Max m’appellent un ami imaginaire. J’adore Mme Gosk, l’instit de Max. Je n’aime pas son autre instit, Mme Patterson. Je ne suis pas imaginaire. "


Budo est un ami imaginaire.
Son enfant, celui qui l'a crée, se nomme Max et pour ce dernier, la vie n'est pas vraiment facile. Il s'avère que du haut de ses neuf ans, l'enfant semble être atteint d'un léger autisme. Vivant plus à « l’intérieur » qu'à « l’extérieur », Max communique très peu avec son entourage et ne trouve du réconfort que dans ses habitudes et la solitude. Cependant, on lui demande régulièrement de faire des efforts, notamment à faire des choix. Chose difficile pour Max qui n'aime pas particulièrement communiquer, et encore moins prendre des décisions. Mais heureusement, Budo est là. Même si personne ne peut le voir, il existe pourtant. Et c'est grâce à lui que son ami réussit finalement à vivre plus tranquillement et avec plus d'aisance.

Parallèlement, Budo, aîné des amis imaginaires, se fait des amis de son côté et vagabonde de temps à autre dans la petite ville lorsque Max est endormi. Après tout, ce dernier l'a créé avec la faculté de traverser les portes. Une vie paisible semble donc s'être installée pour ces deux là.

Sauf qu'un jour, Max est kidnappé. Et Budo voit tout. Il est l'unique témoin de la scène. Mais que peut-on faire lorsqu'on ne peut pas interagir avec le monde qui nous entoure et que notre existence n'est dû qu'à la croyance d'un enfant qui peut vous oublier à tout moment ?

► L'avis personnel…

Voilà un petit moment que je n'avais pas été autant touchée par un roman. Une vraie petite perle que ce doux chef-d’œuvre de littérature jeunesse.

Nonobstant le fait que le roman se destine à la jeunesse, il est toutefois très agréable à lire pour un adulte. Le regard posé est différent, plus mélancolique peut-être, mais loin d'être désagréable.
Matthew Dicks nous offre avant tout un récit qu'on suit à travers le regard d'un enfant. Après tout, Budo n'a que cinq ans bien que d'une maturité plus proche de l'adolescent. C'est ainsi que Max l'a créé : plus grand et intelligent. Mais son peu d'expérience de la vie et le fait d'avoir été imaginé par un enfant font finalement de son regard celui d'un enfant également. Et étant le narrateur, c'est à travers ses yeux que nous découvrons le monde des deux amis.
Mais le récit se parcourt également de divers points de vue, notamment à travers les vagabondages de Budo. Après tout, la vie ne s'arrête pas à Max. De ce fait, nous découvrons la vie difficile des parents de l'enfant qui se déchirent au sujet de l'autisme de leur fils mais qui restent toutefois une famille forte et unie. Le lecteur fait la connaissance de Mme Gosk, une institutrice prise de passion et d'un amour inconditionnel pour son métier. Il voyage également à la station-service du coin et à l'hôpital, en particulier celui pour les enfants. La-bas, les amis imaginaires sont monnaies courantes… Certains plus imaginatifs que d'autres, mais tous sur le fil du rasoir.

Vous l'aurez compris, il n'est pas uniquement question d'un enfant renfermé et de son ami imaginaire. Ni seulement d'un enlèvement. Tour à tour le roman laisse place à l'imagination, à la dureté de la vie, à une enquête, à la mélancolie, la rencontre, les adieux et j'en passe.

Je pense que la force du roman se fait cependant avant tout à travers Budo.
On éprouve de l’empathie pour ce grand ami imaginaire qui est si proche de « l'enfant normal ». Son existence est tellement fragile, se reposant sur deux extrêmes : la présence et l'absence.
On s'attriste face à son impuissance. Autant vis-à-vis de Max que pour ses propres amis qui s'en vont peu à peu au fil des pages.
Puis il y a cette solitude qui l'entoure constamment. Non seulement d'avoir des choix difficiles à faire, il se retrouve seul face à eux. Ses amis ne peuvent le suivre. Il ne peut être aidé alors que dans les moments cruciaux c'est de soutien et d'encouragement dont il a besoin. Et c'est dans ces moments-là qu'on sent cette énorme affection qu'il éprouve envers les parents de Max et son envie grandissante de continuer à vivre.
Finalement, il n'a que son Dieu, et rien d'autre.

Les choix qui s'offrent à Budo sont parfois cruels aux yeux du lecteur. On aimerait pouvoir lui offrir ce qu'il désire, alléger ses responsabilités, mais tout comme lui, on se décide. On se dit qu'il faut également le laisser grandir, notamment en le laissant choisir. Max grandit, Budo grandit et nous, lecteurs, grandissons également d'une certaine façon.

Quelle mélancolie que ce roman…
Je le conseille non seulement à tous les enfants, afin d'y découvrir l'amour d'une lecture mais également aux adultes afin qu'ils se rappellent de la beauté de l'enfance. Ainsi, tous les âges seront satisfaits de cette aventure et pourront être touchés par la même empathie envers ce magnifique personnage qu'est Budo. Une merveilleuse rencontre.

► Des atouts ?

L'imagination. L'originalité du récit. Le regard d'un enfant, d'un être à la fois lointain et proche.
L'empathie qu'on peut ressentir à la lecture. Les nombreux termes abordés.
Les rencontres avec les personnages réels et les personnages imaginaires.
L'amour pour les enfants.
L'apprentissage omniprésent.

► Des défauts ?

La répétition dans l'écriture. Volontaire en particulier dû au regard de Budo, mais peu lasser.
Les amis imaginaires un peu trop édulcorés au niveau de l'apparence.

►Spoilons !

Si vous ne voulez pas être spoilé, passez ce point!

Une chose est certaine, lorsqu'on ferme les pages de ce roman, on est habité par une profonde tristesse et une douce mélancolie. Surtout que les dernières pages se terminent sur une fin ouverte.
Avis aux amateurs et à ceux de passage, n’hésitez pas à partager votre avis.
Personnellement, je pense que Budo et tout amis imaginaires sont bels et biens concrets. Que d'une certaine manière, ils sont des gardiens pour les enfants, ce qui expliquerait le passage de Dee à l’hôpital. A sa mort, Budo aurait pu voyager dans le temps et se donner lui-même le courage de choisir une bonne existence pour Max plutot que d’exister. Mais bon, c'est tout à fait subjectif.

► Allons un peu plus loin…

Beaucoup de thèmes sont abordés à travers l'histoire, ce qui donne une grande richesse au récit.
Tout d'abord, le fait d'aborder l’autisme pour un roman jeunesse est un bon moyen pour sensibiliser les plus jeunes. En choisissant d'utiliser un ami imaginaire pour décrire ce monde souvent inconnu, Matthews Dicks fait preuve d'une grande originalité et réussi à partager sans mal la complexité du sujet.
Vient ensuite la différence. Cette dernière est soulignée mais effacée en même temps. Finalement, nous sommes tous différents mais cela n'empêche pas une personne d'être normal. La tolérance est de mise, et c'est dans l'empathie et l'acceptation qu'on peut la gagner.
L’imagination. Et c'est bien chez les enfants et les grands enfants dans l'âme qu'on la retrouve le plus souvent.
L’existence est un autre thème majeur qu'on retrouve dans le roman. Matthew Dicks, à travers Budo et les amis imaginaires, rappellent que ce n'est pas uniquement par le visuel et le touché qu'un être peut exister. Même s'il est personnel, un être existe dès lors où on croit en lui. Il en va alors de même pour toutes idées abstraites : l'amour, la confiance en soi, la tristesse, la mort, l'existence elle-même…
L’apprentissage quant à lui parcourt toute l'histoire du début à la fin. Il est particulièrement symbolisé par le passage de l'enfant à la pré-adolescence. Mais surtout à travers la simple idée que Choisir, c'est grandir. Et Grandir, c'est faire ses propres choix.

► Passages choisis.


- C'est pas ça, Budo. Ce n'est pas le problème, que Meghan ait besoin de moi. Nous nous sommes trompés. Meghan grandit, c'est tout. Mais c'est moi, ensuite ce sera la petite souris, et l'année prochaine, le Père-Noël. C'est une grande fille maintenant.
- Mais la petite souris n'existe pas, et toi, si ! Bats-toi, Graham ! Bats-toi, je t'en prie ! Ne me laisse pas !
- Tu as été un très bon ami pour moi, Budo, mais il faut que je m'en aille maintenant. Je vais aller m'asseoir à côté de Meghan. Je veux passer les quelques instants qui me restent avec elle. Assise à côté de mon amie. C'est la seule chose qui me rende triste.
- Quoi ?
- Je ne pourrai plus la regarder. La voir grandir. Elle va tellement me manquer…
Graham se tait un moment avant d'ajouter :
- Je l'aime tant.

Max n’est pas comme les autres. Les enfants se moquent de lui à cause de ça. Sa mère essaie de le changer, et son père le traite comme s’il était un autre garçon, différent de ce qu’il est. Même ses profs le traitent comme s’il était à part. Personne ne le traite comme un garçon normal, et tout le monde veut le changer en garçon normal. Mais avec tout ça Max se lève tous les matins, et prend son bus pour aller à l’école.
- Et ça, c’est courageux ?
- C’est ce qu’il y a de plus courageux au monde (…) il faut être le plus brave du monde pour sortir tous les jours rencontrer des gens qui ne vous aiment pas ou ne vous acceptent pas comme vous êtes.

 

 

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